Marguerite ALTET "Les pédagogies de l'apprentissage" PUF 1998

Quelques notes de lecture

 

  1. Méthodes de classification des courants pédagogiques et des pédagogies de l'apprentissage.

Le triangle pédagogique

Enseignant
Savoir
Elève
Louis NOT établit une distinction basée sur la structuration du savoir et sur l'acteur qui en est à l'origine.

Pour Louis NOT "L'enseignement se définit comme une réponse aux besoins de l'apprentissage". Il s'oppose ainsi à la perspective classique qui définit l'apprentissage comme effet attendu de l'enseignement.

 

Jean HOUSSAYE, en référence au triangle pédagogique distingue trois processus :

Marguerite ALTET se réfère à un autre modèle que le triangle pédagogique selon elle trop figé sur un équilibre entre ses différents pôles. Elle crée un modèle systémique qui prend en compte la complexité, la totalité, les interactions et les rétroactions, les flux, la régulation fonctionnelle, la dynamique et l'énergie qui caractérisent le processus d'enseignement-apprentissage et son articulation dialectique en situation.

 La pédagogie est ainsi considérée comme une articulation dialectique et une régulation fonctionnelle entre les processus enseignement-apprentissage, dans une situation donnée, par le biais de la communication autour de savoirs et d'une finalité.

Chercher à définir une pédagogie c'est regarder comment s'articulent, s'organisent de façon cohérente ces 5 éléments en situation, comment apprenants et enseignant interagissent dans un rapport au savoir et par la médiation de la communication.

  1. Courants pédagogiques et pédagogies de l'apprentissage.
  2. Le courant magistro-centriste. Ce courant classique a pour finalité la transmission d'un savoir constitué. Il privilégie le savoir venu de la tradition, structuré par l'enseignant qui le transmet. La prestation du maître est déterminante. Le savoir est premier, l'enseignant le prépare, tout comme il organise la situation et dirige la communication. L'élève écoute et reçoit le savoir du maître, un savoir indifférencié, le même pour tous.

    Le courant puero-centriste. Ce courant a pour finalité le développement, la formation et l'épanouissement de l'élève-personne. Il est centré sur l'enfant, sa personne, il part de ses intérêts et vise la découverte et la structuration du savoir par l'élève. L'enseignant suscite des situations, accompagne l'enfant dans sa recherche et sa construction du savoir. La communication vient de l'élève et elle est horizontale entre l'élève et l'enseignant. La pédagogie est fondée sur la capacité de l'enseignant à laisser agir l'élève puis l'aider à réorganiser son savoir et à ajuster son action à la personne de l'enfant. Ces pédagogies ont une vision positive de l'enfant.
    Exemple : la pédagogie active de Ovide DECROLY.

    Le courant socio-centriste. Ce courant a pour finalité de former un homme social, d'éduquer socialement. L'école est centrée sur l'enfant membre de la communauté et sujet social. Ce sont les intérêts de la communauté qui poussent l'élève à agir. La base de la pédagogie n'est pas la communication maître-élève mais le travail communautaire, le collectif de travail mis en place par l'enseignant, la coopération entre les élèves. Ce qui est visé c'est la socialisation, l'insertion de l'élève dans la société pour former un homme nouveau et s'acheminer vers une société nouvelle.
    Exemples : la pédagogie marxiste de MAKARENKO, la pédagogie progressiste de SNYDERS et la pédagogie socialiste et productive de FREINET.

    Le courant techno-centriste. Ce courant a pour finalité d'être efficace, d'adapter l'élève à la société. Il s'agit de rendre l'élève actif en lui proposant un savoir programmé à découvrir ou à reconstruire. C'est l'enseignant qui conçoit et organise ce que l'élève exécute, il programme le savoir et la situation. Le rôle de l'enseignant consiste à analyser les problèmes liés à l'enseignement-apprentissage en terme de gestion de programmes, d'optimisation des ressources et d'évaluation des produits et des processus pour réaliser au mieux les objectifs que l'on se fixe. Ce qui est visé c'est l'adaptation à la société technique industrielle par l'école.
    Exemple: "Enseignement programmé" et "Pédagogie Par Objectifs".

    Les pédagogies de l'apprentissage. L'acte pédagogique est défini du point de vue de l'élève qui apprend. La finalité est d'aider l'apprenant à construire son savoir, à se l'approprier. L'enseignant fournit des outils met en place des projets, des contrats ; il anime des situations d'apprentissage en prenant en compte les apports, les initiatives, les représentations, les logiques, les styles, les profils d'apprentissage des élèves.
    Le maître organise, choisit des situations susceptibles de faire émerger des problèmes, d'entraîner une transformation des représentations, d'aider l'apprenant à identifier ses stratégies, à développer ses capacités de métacognition, de le guider dans sa structuration du savoir. La communication s'appuie sur des relations de médiation, d'écoute et d'échange, de négociation, sur un dialogue adapté qui permet l'individualisation des apprentissages.

    Ces pédagogies s'appuient sur des conceptions cognitivistes constructivistes issues de la psychologie développementale et cognitive : PIAGET (activité, équilibration majorante), AUSUBEL (apprentissage social par l'observation), BRUNER (notions de format et d'étayage), VYGOTSKY (médiation sémiotique, zone proximale de développement).
    Ces pédagogies qui se sont décentrées de l'enseignement permettent à l'enseignant de "Parler moins, faire agir plus et observer pendant ce temps" (JM de KETELE).
    Les questions clés sont : "Comment l'élève apprend ?" et "Comment développer les moyens d'apprendre à l'aide d'une instrumentation pédagogique et didactique ?"
    Il s'agit de prendre en compte la logique et les démarches d'apprentissage des élèves et de gérer des conditions d'apprentissage facilitatrices en aménageant des situations ouvertes, des situations problèmes, des situations d'apprentissage différenciées, des situations individualisées, des situations de travail en groupe de besoins ciblés.

  3. Les apports spécifiques de quelques précurseurs

Les précurseurs de la centration sur l'apprenant issue de la psychologie humaniste et du constructivisme.:
John DEWEY. Il s'agit de ne pas obliger l'élève à apprendre mais d'obtenir de lui un engagement dans son apprentissage. C'est l'élève qui définit un plan de travail en fonction de ses intérêts. L'apprentissage doit découler d'activités qui intéressent l'enfant, qui ont un sens pour lui. Activité, expérience, situation, interaction et sens du projet sont les éléments clés de la pédagogie de DEWEY. Celle-ci articule les conditions subjectives venant de l'apprenant et les conditions objectives venant de l'enseignant.

Edouard CLAPAREDE (1873-1940). Comme DEWEY il considère que c'est le besoin et l'intérêt de l'enfant qui suscite l'activité. Apprendre ne consiste pas pour l'élève à accumuler des connaissances mais à exercer son intelligence et à acquérir des méthodes de pensée. Le rôle de l'enseignant est d'éveiller chez l'enfant le désir de résoudre un problème, d'amener l'élève à une gymnastique désintéressée de l'esprit par des exercices appropriés. La tâche scolaire doit être présentée comme un jeu, mais si le jeu est un besoin fondamental, il a aussi une fonction pédagogique.

Roger COUSINET (1881-1973).Si le maître veut que l'élève apprenne, il doit lui-même s'abstenir d'enseigner. Moins on est enseigné plus on apprend, puisque être enseigné, c'est recevoir des informations et qu'apprendre c'est les chercher. L'enseignant n'est pas celui qui sait et dispense les savoirs, mais la personne qui va offrir à celui qui apprend des moyens d'apprendre, des méthodes d'apprentissage.. La pédagogie de COUSINET est une pédagogie de la découverte et de l'acquisition des moyens d'apprendre.

Célestin FREINET (1896-1966). Trois principes de base : l'expression libre, le tâtonnement expérimental et la coopération. C'est seul et en groupe que l'élève construit son savoir dans une pédagogie du travail.

L'instrumentation pédagogique issue de la technologie de l'éducation.

B.F SKINNER. "L'enseignement programmé" Il construit sa théorie de l'enseignement-apprentissage à partir de l'observation d'animaux placés en situation d'apprentissage.. Il a élaboré une théorie du conditionnement opérant selon laquelle le sujet est actif, et apprend en observant les conséquences de ses actes et en recevant des renforcements. Pour SKINNER :"nous n'apprenons que ce que nous faisons. Nous apprenons par l'expérience. Nous apprenons par essais et erreurs." C'est pourquoi selon lui : "l'apprentissage par l'action met l'accent sur la réponse; l'apprentissage par l'expérience sur l'occasion dans laquelle la réponse survient; l'apprentissage par essai et erreur sur les conséquences de la réponse." Le rôle de l'enseignant consiste ici à fournir des conditions d'apprentissage, à structurer des situations et des contingences de renforcements pour accentuer le besoin d'apprendre.

B BLOOM; G et V De LANDSHEERE. "La pédagogie par objectifs". Il s'agit pour les enseignants de clarifier leur pratique éducative en précisant les objectifs qu'ils cherchent à faire atteindre aux élèves. Ils ont à définir des objectifs, à choisir des méthodes appropriées pour faire atteindre les objectifs opérationnels fixés et à en prévoir l'évaluation pertinente. Les curricula, programmes d'objectifs d'apprentissage sont confiés à des spécialistes de la matière enseignée. Une analyse systémique de sa pratique permet à l'enseignant d'articuler objectif-méthodes-évaluation-objectif dans une optique de rationalisation et d'efficacité.

Les pédagogies centrées sur l'apprenant et les moyens d'apprendre

Gaston MIALARET, Jean VIAL, Louis LEGRAND. "La pédagogie de projet".
Le projet apparaît comme une nécessité pour adapter et dynamiser l'acte éducatif en reliant une individualisation de la gestion des apprentissages en classe à une programmation d'actions. Cette pédagogie se caractérise par le choix d'un projet mobilisateur qui s'appuie sur les besoins, l'intérêt, l'initiative d'un élève ou d'un groupe d'élèves. Ceux-ci choisissent leurs objectifs d'apprentissage, les négocient avec l'enseignant qui définit des temps d'apprentissage adaptés à chacun, favorisant l'engagement de l'apprenant et la réalisation du projet. Les acteurs élaborent ensemble un contrat de réalisation du projet avec la définition de la production attendue, la prévision de son achèvement, une évaluation qui confrontera le projet et l'objet fini.

Le rôle de l'enseignant est celui d'un régulateur, d'un accompagnateur, d'un guide, d'une personne ressource mais aussi d'un garant du contrat et d'un évaluateur.
Cette démarche sera utilisée à tous les niveaux du système éducatif français : projet d'élève, projet de classe, projet d'école, projet de formation…)

Philippe MEIRIEU. "La différenciation pédagogique". Il s'agit d'une méthodologie d'enseignement qui, pour s'adapter à des groupes hétérogènes d'élèves, pour prendre en compte les différences d'apprentissage entre élèves, diversifie et multiplie la gestion des apprentissages à trois niveaux : par des contenus différents ; par des structures, des groupements d'élèves divers; par des itinéraires d'apprentissage ou processus variés. Il s'agit par la mise en place de structures, de situations, d'outils variés, de contenus différents de créer une dynamique qui permette de gérer de façon différenciée les apprentissages de chacun.. Philippe MEIRIEU présente plusieurs formes de différenciation dans la gestion des apprentissages en classe' : groupes de besoins, situations-problèmes, aide au travail personnel, conseil, ateliers méthodologiques, pédagogie du contrat.
Philippe MEIRIEU et Michel DEVELAY distinguent trois temps dynamiques dans une démarche centrée sur l'apprenant : la contextualisation, la décontextualisation et la recontextualisation. La contextualisation consiste à d'abord situer l'apprentissage dans un contexte concret chargé sur le plan affectif et cognitif (éviter le passage trop rapide à l'abstraction qui perdrait les élèves). La décontextualisation consiste à favoriser le dégagement de l'élève par rapport à ses connaissances antérieures et à son intérêt pour le contexte initialement présenté. Il faut alors l'aider à se débarrasser des indicateurs de surface, liés au contexte, pour découvrir les indicateurs de structure liés au concept étudié. Dans la situation contextualisée il s'agit de réussir, dans un apprentissage décontextualiser il s'agit de comprendre. PIAGET explique : "Réussir, c'est comprendre en action une situation donnée, à un degré suffisant pour atteindre les buts proposés, et comprendre c'est réussir à dominer en pensée les mêmes situations jusqu'à pouvoir résoudre les problèmes qu'elles posent quant au pourquoi et au comment des liaisons constatées et par ailleurs utilisées dans l'action." La recontextualisation correspond à ce que les chercheurs américains appellent le "bridging", faire des ponts, elle consiste à demander aux apprenants, après la maîtrise d'une notion ou d'une procédure, de chercher eux-mêmes des situations où ils peuvent la retrouver et la faire jouer. Il ne s'agit surtout pas pour l'enseignant de proposer lui-même aux élèves de nouveaux exercices d'application mobilisant d'autres contextes (ces exercices risqueraient de ne pas être compris ou investis par les élèves et de les maintenir en état de dépendance didactique).

Les apports des didacticiens à la centration sur l'apprenant

JP ASTOLFI, M DEVELAY, A GIORDAN.
Pour JP ASTOLFI c'est la notion d'objectif-obstacle (référence à la notion d'objectif-obstacle développée par Jean Louis MARTINAND) qui permet de construire des situations d'apprentissage à la fois à partir de la matière enseignée et à partir de l'identification des représentations des élèves et de leurs modes de pensée. La caractérisation de l'objectif-obstacle aide à mettre en place un dispositif didactique et des modalités de différenciation pédagogique.
M DEVELAY propose des situations d'enseignement qui articulent dans une situation-problème ou énigme la prise en compte de l'expression des représentations des élèves et l'identification des obstacles à l'apprentissage. Le rôle de l'enseignant consiste à installer des situations d'apprentissage-enseignement et non l'inverse.

A GIORDAN considère que l'apprentissage s'appuie sur un remodelage des structures cognitives. L'accent est mis sur l'identification des préconceptions, des représentations point de départ de l'apprentissage.

Les pédagogies centrées sur les stratégies cognitives et métacognitives de l'apprenant.

Britt-Mari BARTH. L'objectif est de comprendre les processus mentaux et d'outiller l'élève pour le rendre conscient de ses stratégies cognitives et pour le faire réussir.. Elle propose une pédagogie de la compréhension qui favorise à la fois l'acquisition des connaissances et le développement des structures cognitives. L'enseignant peut aider les élèves à mobiliser leurs capacités intellectuelles à condition qu'il sache les repérer, qu'il y ajuste sa pédagogie et qu'il rende les élèves conscients des stratégies d'apprentissage qui leur permettront de construire leur savoir. Pour B M BARTH les facteurs affectifs de la relation enseignant-apprenant sont primordiaux; l'interaction affectif cognitif est essentielle. Métacognition, connaissance de soi et confiance en soi sont des concepts clés de cette pédagogie. C'est par la médiation cognitive que le pédagogue donne les moyens d'apprendre, les moyens de la réussite au travers d'une co construction de sens.


Jean BERBAUM.
"Le PADéCA".
L'objectif du Programme d'Aide au Développement des Capacités d'Apprentissage, c'est d'améliorer la capacité des apprenants en développant chez eux une attitude positive à l'égard d'eux-mêmes et des autres, positive à l'égard du changement et active à l'égard de l'apprentissage. Leur donner confiance en soi. L'enseignant doit organiser (éventuellement en collaboration avec les élèves) un enseignement qui prenne en compte les réalités physiques (fatigue, troubles divers) et les réalités psychologiques (diverses formes d'esprit), qui respecte les phases et la logique de l'apprentissage pour aider les élèves à prendre conscience de ce que suppose apprendre et d'en tirer les conséquences pour l'élaboration d'une nouvelle pratique d'apprentissage. Pour Jean BERBAUM apprendre c'est d'abord faire. Mais c'est surtout en faisant chercher à améliorer sa manière de faire.

 

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